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Eléments de réflexion

Les différentes catégories d'agriculture urbaine

Jardin potager :

  • Jardins familiaux : terrains divisés en parcelles, affectées à des particuliers y pratiquant le jardinage pour leurs propres besoins et ceux de leur famille, à l’exclusion de tout usage commercial.

  • Jardins partagés : cultivés collectivement par les habitants d’un quartier afin de réaliser des activités sociales, culturelles ou éducatives.

  • Jardins d’insertion : réinsertion de personnes en difficulté sociale ou professionnelle.

Toiture potagère :

Pour faire face au manque de sol disponible en ville et aux problèmes de sols pollués.

Ferme verticale : 

Contrôler tous les intrants (l'eau, les nutriments, ...).

Jardin partagé à Detroit, source : Flaminia Paddeu, 2013 

Jardin potager sur le toit de l’école d’AgroParisTech © AgroParisTech

La première ferme verticale à Singapour / reuters (Crédits : DR)

Ferme Souterraine à Paris (source : Nicola Lo Calzo pour Le monde, 2018)

Technologie et agriculture urbaine 

Développer l’agriculture en milieu urbain demande un esprit inventif. Les contraintes sont nombreuses : les surfaces disponibles sont rares et peuvent être de petites tailles, polluées ou artificialisées. Pour s’adapter à ces contraintes, des entreprises ont développé de nouvelles technologies agricoles plus ou moins naturelles. L’agriculture urbaine part à l’assaut de tous les espaces délaissés : toits, friches, talus, terre-pleins, parkings souterrains ou tunnels à l’abandon, anciennes carrières etc. Les techniques de production hors-sol  comme l’hydroponie, l’aéroponie, ou l’aquaponie sont adaptées à ce type de milieu. Sous des immeubles parisiens, à La Chapelle, une ferme biologique souterraine produisant des champignons, des endives et des herbes aromatiques a été mise en place. Ce type d’agriculture peut inquiéter par sa forme inhabituelle, où la lumière de lampes LED remplace le spectre solaire.

Cette nouvelle génération d’entrepreneurs high-tech bouscule une agriculture ­urbaine historiquement portée par des associations ou des collectifs à l’ADN plus social et écologique que marchand. En effet, cette vision productiviste, lucrative et hors-sol promeut l’économie locale mais n’apporte pas un “retour à la terre, aux sources” initialement souhaité par les militants de l’agriculture urbaine. Les citoyens peuvent également être surpris de ces nouveaux modes de production, relevant plus du chimiste que du paysan, moins “vendeurs” que les jardins partagés par exemple. L’agriculture urbaine semble ainsi être scindée en deux groupes : le premier garant du retour à la terre et des projets collaboratifs, le second se concentrant essentiellement sur la production de denrées alimentaire en milieu urbain, plaçant les aspects sociaux ou environnementaux au second plan. Cependant, si rien n’est naturel dans cette production, elle reste écologique. En effet, il n’y a aucune pollution due au transport, l’air pollué de l’extérieur est filtré, l’énergie utilisée est 100 % issue du renouvelable et la consommation d’eau est 90 % plus faible que sous serre conventionnelle. Des modes de production comme l’hydroponie pourraient être une solution pour nourrir les villes, où devraient vivre 80% des 10 milliards d’êtres humain d’ici 2050.

Fonctionnement de l’hydroponie (source : vl-media, 2018)

L'aspect social

L’aspect social de l’agriculture urbaine est prépondérant. En effet, dans les jardins dont les parcelles sont cultivées collectivement, les valeurs de solidarité, de convivialité, de lien et de partage entre générations et cultures ressortent.

D’après une étude menée à Montpellier par Pascale Scheromm, les municipalités sont tentées d’intégrer des jardins urbains dans leur politique d’aménagement pour proposer à leurs habitants des lieux de récréation où ils peuvent jardiner et nouer des liens sociaux, en particulier de mixité ou intergénérationnels.

Il est d’ailleurs ressorti de cette étude, que la recherche de lien social est très peu citée dans les jardins familiaux mais apparaît importante dans les jardins partagés, en rapport avec l’envie de partager la passion du jardinage et les connaissances acquises avec les plus jeunes.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Aussi, nous avons pu constater lors de la réunion d’information pour la ferme urbaine avec l’association les Cols Verts, que dans les avis favorables au projet ressortait l’envie de lien social « Création de points de rencontres », « Ramener la culture agricole pour créer du lien ».

De nombreuses associations en lien avec l’agriculture urbaine comme les Cols Verts se focalisent sur des problématiques à consonances sociales.  

Cet aspect est donc un enjeu majeur de l’agriculture urbaine.  

Tableau des caractéristiques des motivations des jardiniers dans les jardins familiaux et partagés de Montpellier  

La concurrence foncière 

Lors de l'élaboration d'un projet d'agriculture urbaine par un exploitant, les baux proposés par les communes ne sont pas toujours très adaptés aux activités qui seront effectuées sur le site. En effet, les exploitants agricoles urbains souhaitant réaliser des investissements à long terme et construire leur projet de manière durable cherchent à disposer de terres sur un temps long. Mais souvent les baux mis à disposition en ville sont de courte durée, soit de l'ordre de la décennie, et ainsi ne correspondent pas aux attentes de ce genre d'activités qui demandent une assurance d'autorisation longue. Les parcelles louées pour ces activités sont constructibles et rendent alors les exploitations précaires.

C'est pourquoi une agricultrice ayant eu pour projet de monter une ferme urbaine au sein de la ville de Rennes s'est ravisée au vu de cette inadéquation. Suite à la proposition de baux de courte durée, cette agricultrice a finalement fait le choix d'instaurer sa ferme urbaine à proximité de Chantepie, commune limitrophe de Rennes située dans la zone périurbaine (Stéphanie Roggero, entretien 2018).

 

Il est néanmoins possible d'adapter d'autres types de baux à l'agriculture urbaine. Conformément à l'article L.411-1 du code rural et de la pêche maritime les baux ruraux ont été conçus pour protéger l'agriculteur fermier (C.GRANOZIO, 2013). Ceux-ci durent 9 ans minimum et peuvent être prolongés en baux ruraux à long terme, qui eux durent au minimum 18 ans. Ainsi, cette durée de bail permet aux agriculteurs urbains de rentabiliser leur exploitation. Par ailleurs, à travers ce bail rural, la valeur locative des biens n'est pas prise en compte, ce qui se trouve être un gros avantage financier lorsque ce genre de projets prévoient de voir le jour dans des villes comme Paris où le foncier y est plus onéreux.

 

D'autre part, les jardins collectifs subissent une pression foncière du fait qu'il y ait une pluralité d'utilisateurs. L'agriculture urbaine est en effet une agriculture qui partage les ressources foncières avec la ville (Christine Aubry, 2013).

C'est le cas d'une Agrocité implantée sur une ancienne friche au sein de la ville de Colombes, financée par l'Europe à hauteur de 600 000 euros, ayant été menacée de disparaître en mars 2016. En effet, Colombes étant une ville dense, peu de terrains constructibles sont disponibles.  Ainsi, pour mener à bien des travaux de rénovation d'un ensemble d'immeubles mitoyens, la nouvelle municipalité de la ville a décidé de mettre en place un parking provisoire à la place de cet oasis de verdure. La convention qui liait le projet à cette parcelle venait de prendre fin, et la municipalité a décidé de ne pas la renouveler, l'Agrocité étant le seul terrain disponible à recevoir un parking (Le Monde, 2016). Les jardins collectifs sont souvent menacés par la pression foncière et doivent, en conséquence, être irréprochables sur la qualité environnementale des pratiques (Jean-Noel Consalès, 2013).

 

L’agriculture urbaine trouvera également sa place en ville en participant à la régulation de la pollution. Pour Yohan Hubert, le fondateur de Sous les fraises, qui développe des cultures écologiques sur les toits de Paris, l’agriculture urbaine n’est pas uniquement nourricière. Elle promeut la biodiversité, améliore le cadre de vie des citadins, et, selon les lieux, permet la protection et l’étanchéité des toitures, l’isolation thermique ainsi que la rétention des eaux pluviales (C.Granozio, 2013). Les cultures peuvent devenir des régulateurs bioclimatiques en participant aux traitements des eaux et à la réduction des îlots de chaleur en zone urbaine.

Législation

L'agriculture au sens large n'est pas exempte de lois régissant ses pratiques et son organisation. La loi tend, dans l'ensemble, à protéger les espaces agricoles de l'étalement urbain. Cependant, en ce qui concerne l'introduction de l'agriculture en contexte urbain, les textes semblent inexistants en droit français.

 

En droit de l'urbanisme, la dichotomie entre zone agricole et urbaine est même très claire : un espace est caractérisé au sein du plan local d'urbanisme (PLU) comme "urbanisé", "à urbaniser", "agricole", ou "naturel". Ces attributions semblent donc ignorer une possible multifonctionnalité de l'espace urbain. L'affectation des sols en ville apparaît dès lors comme un frein au développement de l'agriculture urbaine.

 

Dans les faits, les textes n'empêchent pas les pratiques agricoles, manifestement non intensives, sur des parcelles réduites, ou même hors-sol. Pour autant, l'exploitation de ces espaces n'étant pas reconnue, ni protégée, elle s'expose à des usages concurrents et donc à une diminution des "terrains" (toits, façades d'immeubles...) disponibles. Le code de l'urbanisme prévoit pourtant le "maintien des continuités écologiques", en accordant une fonction résolument environnementale à certains espaces de la ville, qui n'entre pas en contradiction avec une pratique raisonnée de l'agriculture.

 

Les différents labels qui permettraient de valoriser les nouvelles pratiques agricole urbaines apparaissent aussi pour le moment peu appropriés. En effet, le règlement européen concernant l’agriculture biologique suppose d’utiliser des “ressources naturelles internes au système” et des “pratiques de culture et de production animale liées au sol”, excluant d’emblée les cultures hors-sol.

 

La multiplication des initiatives locales rend pourtant plus pressante l'élaboration de dispositifs spécifiques aux pratiques nouvelles et urbaines de l'agriculture, tant pour régler les conflits qui peuvent émerger (liés aux nuisances et risques potentiels de telles activités) que pour pérenniser les aménagements en la matière.

 

Des exemples de législation existent déjà dans d'autre pays, comme le Michigan Right to Farm Act, qui protège les fermes, au sens strict et à vocation commerciale, en zone urbaine de toute plainte pour nuisance de la part des voisins. La diversité des villes et des formes d'agriculture urbaine rend cependant difficile la production de normes réglementaires homogènes en cohérence avec les outils déjà déployés pour aménager et organiser les villes.

Pollution urbaine et production alimentaire

 

Les initiatives publiques, privées, associatives et même entrepreneuriales d’agriculture urbaine foisonnent compte tenu des services rendus en termes de fonction nourricière, sociale et environnementale (L. kebir & B.barraqué). Dans ce contexte d'essor rapide de l'agriculture en ville, il est nécessaire de s'assurer que la pollution urbaine ne constitue pas un obstacle pour le développement de celle-ci. De nouvelles études apparaissent, qui effectuent des recherches sur les produits cultivés dans les espaces urbains. La finalité de ces études consiste à faire le point sur la pollution urbaine et son influence sur les légumes et fruits cultivés et ainsi déterminer si ces produits contiennent des niveaux de polluants trop élevés pour la consommation directe par les citadins. Les sources de contamination pour la culture des fruits et légumes sont de l'ordre de trois : la pollution par voies aériennes, par l'eau d'irrigation ainsi que par le sol.

 

Pour ce qui est de l'impact de la pollution atmosphérique sur les denrées alimentaires cultivées, elle peut provenir des chauffages urbains, des incinérateurs, de la circulation des véhicules, des industries sidérurgique ou bien chimique. La proximité des exploitations à de forts trafics routiers peut augmenter la concentration des métaux lourds dans les produits cultivés. Ainsi, la plupart des implantations de cultures en milieu urbain se font loin des grands axes routiers comme les périphériques de grandes villes, loin des usines d'incinération et des industries. Certains sites de production hors-sol situés à Berlin se trouvent davantage pollués par les particules ou éléments toxiques de l'atmosphère que d'autres sites de production en pleine terre, malgré le passé industriel de la ville et des nombreux éléments polluants concentrés dans son sol (G. Chapelle, 2013). En revanche, pour ce qui est de la production de fruits et légumes au niveau de toitures urbaines, les gaz d’échappement ne montent pas à hauteur de celles-ci. En effet, en plein centre de Paris, sur la toiture d'expérimentation d’Agroparistech, la présence de métaux lourds dans les légumes produits a été mesurée 10 et 100 fois en dessous des normes européennes. Dès lors qu’on s’élève un petit peu on s’abstrait d’une partie de la pollution atmosphérique (C. Aubry, 2013). De plus, l’ozone a un impact principalement sur les légumes feuilles (tels que les épinards, salades etc.) en provoquant des taches noires de nécroses, mais sont davantage handicapantes pour leur commercialisation que pour leur sécurité sanitaire. Par ailleurs, pour l’aspect réglementaire, il n’existe aujourd’hui aucun texte indiquant des restrictions de mise en culture en fonction de la pollution de l’air. Des travaux sont actuellement en cours (INRA-AgroParistech, Agence des espaces verts de la Mairie de Paris) sur l'impact de la pollution atmosphérique sur la qualité sanitaire et gustative des produits urbains (C.Granozio, 2013).

 

Pour ce qui est de la contamination par les eaux d'irrigation, les nappes phréatiques peuvent être contaminées par la percolation des polluants à travers le sol. De plus le ruissellement sur les toits ou les routes, avant d'atteindre un point d'infiltration s'accompagne d'une accumulation de particules pouvant contenir des substances toxiques. Une eau ainsi chargée peut induire une bioaccumulation au sein des cultures urbaines, à des degrés difficiles à évaluer, car propres à chaque ville et chaque plante. Les anciennes toitures en zinc peuvent également directement contaminer l'eau de ruissellement (G. Chapelle, 2013).

 

Par ailleurs, plusieurs types de polluants se maintiennent dans les sols des villes au sein de certaines zones urbaines. Sept métaux lourds sont surveillés dans les sols des villes : le plomb, le zinc, le mercure, le chrome, le nickel, l'arsenic ainsi que le cuivre. Ils ont des origines diverses mais généralement industrielles. Ces métaux lourds se trouvent essentiellement dans les sols sur lesquels étaient bâties d'anciennes industries. Néanmoins ces éléments-traces métalliques (ETM) n'ont pas uniquement des origines industrielles, ils peuvent également provenir par exemple des toitures des bâtiments ou encore d'anciens pesticides proscrits aujourd'hui. Le plomb est le polluant le plus courant et le plus dangereux pour la santé humaine (C. Aubry, 2013). D'après une étude de l'Université de Washington, les résultats montrent que les taux de plomb dans le sol sont plus élevés au sein des espaces urbains mais cela ne se transmet pas automatiquement aux plantations. Ainsi ces dernières peuvent l'absorber mais celui-ci reste concentré au niveau des racines et ne se transmet pas aux feuilles ou aux fruits. Tous les légumes racines tels que les carottes, les betteraves, les pommes de terre et navets présentent alors une capacité à fixer les polluants du sol, notamment les métaux lourds (G. Chapelle, 2013) et leur mise en culture au niveau des sols urbains est donc à surveiller.

 

Mais la plupart des projets d'agriculture urbaine sont des cultures hors-sol donc il y a là, a priori, pas de problème de contamination par le sol (C.Granozio, 2013). De plus, il existe trois façon d'être exposé directement aux contaminants du sol : par inhalation, par exposition cutanée ainsi que par ingestion. En règle générale, la contamination par ces deux dernières façons sont beaucoup plus risquées que la consommation directe des légumes et fruits cultivées (G. Chapelle, 2013).

Cependant, le sol urbain reste effectivement pollué et bien que les produits de l’agriculture urbaine soient sains, il est impératif de les laver avant la consommation afin de ne pas avaler directement du sol urbain. Il est également conseillé de bien se laver les mains après avoir jardiné dans un sol urbain (Agence américaine de protection de l'environnement - EPA).

 

Le lien entre pollution urbaine et qualité des produits est très difficile à montrer, l'incertitude scientifique est considérable (C.Aubry, 2013). La réglementation dans le domaine est encore peu présente (C.Granozio, 2013). De nombreuses études sur le taux de transfert de métaux du sol à la plante sont en cours et apporteront des précisions dans ce domaine dans les années à venir. En effet des recherches sont à mener sur ce qu’on appelle la bio-disponibilité, c'est-à-dire le passage d’une teneur dans un sol à une teneur dans une plante, et sur la bio-accessibilité c'est-à-dire le passage d’une teneur dans une plante à une teneur dans une personne (Christine Aubry, 2013). De plus, il faut se méfier des contaminants qu’on ne cherche pas, soit parce que l'on se limite aux classiques pour diminuer les coûts d’analyse, soit parce qu'on les ignore (G. Chapelle, 2013).

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