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Controverse

L’objectif du projet est l’installation progressive d’une micro-ferme permacole sur 3800m² de surface utilisable sur une surface totale de 4100m². Une partie de l’espace disponible sera utilisé pour des événements de quartier et des événements culturels. La conception du lieu doit se faire conjointement entre les habitants du quartier, les associations de quartier (culturelles, pédagogiques, environnementales, sociales), l’association Cols verts Rennes et ses partenaires. Les porteurs de projet ont une vision permacole et holistique de l’agriculture. Ils envisagent la production de légumes et d’aromatiques, sous la forme de planches de cultures permanentes et de buttes de culture en pleine terre. La production devrait se faire également par deux serres pour de la culture de pleine terre locale et du monde, et pour la croissance des semis. En parallèle, la ferme comptera différents abris pour les auxiliaires de vie : ruches, poulailler, nichoirs, abris pour les petits mammifères et amphibiens.

Le projet émane de la troisième édition de la  Fabrique citoyenne mis en place par la Ville de Rennes. La Fabrique citoyenne permet aux Rennais de proposer des projets destinés à améliorer leur cadre de vie, qui sont soumis à un comité de suivi formés d’élus, puis au vote des Rennais. Les projets lauréats seront ensuite réalisés dans l’année grâce au budget alloué à la Fabrique citoyenne. C’est une partie du budget de la Ville, qui correspond à 5% du budget d’investissement soit 3,5 millions d’euros par an. Grâce à ses 461 votes, le projet de ferme urbaine au quartier du Blosne a été retenu. Nous nous sommes focalisés sur ce projet car c’est un des projets d’agriculture urbaine collaborative les plus récents à Rennes.

Notre étude est donc réalisée à l’échelle d’un quartier. Cela nous permet de réellement saisir les controverses qui existent sur le terrain. En effet, s’il semble exister un consensus à propos de l’agriculture urbaine, la mise en place de projets concrets peut mener à des controverses portant sur la responsabilité du projet, la pollution des sols ou encore l’allocation de terres urbaines à des projets agricoles.

La controverse a porté sur le lieu d’installation de la ferme urbaine. En effet, les habitants propriétaires de logements autour du lieu initialement sélectionné ont formé un groupe et ont mis en place une pétition contre le projet. Cette opposition virulente a finalement obligé les porteurs de projet à chercher un autre lieu. La municipalité soutien le projet et va donc faire en sorte de trouver un lieu adapté mais cela aurait pu causer l’échec du projet.

Comment expliquer cette controverse ? Tout d’abord, selon la coordinatrice de projet, cela vient d’une incompréhension du projet par les habitants. Malgré un site internet détaillant le projet et des affiches disposées dans le quartier du Blosne, les habitants se sont créés une fausse image de la ferme urbaine. Comme le montre le compte-rendu de la réunion du 4 février, le terme de “ferme” à été interprété différemment selon les individus. Les habitants ont associé l’idée de ferme à une exploitation avec des animaux, or ce n’est pas le projet (en dehors d’un poulailler). Le terme de ferme est utilisé par les porteurs de projets dans le sens d’une exploitation agricole avec un ouvrier permanent. La première facette de la controverse aurait ainsi pu être rapidement résolue par un effort de communication. Cela appuie la théorie de Latour (2010) selon qui les oppositions sont plus fortes lorsque l’énoncé est incertain et confus. La précision des termes et l’énonciation de faits scientifiques par les coordinateurs de projets lors de la réunion ont effectivement calmé les ardeurs de certains habitants.

L’aspect collaboratif du projet a également motivé le refus de certains habitants. Les individus ne font pas confiance à leurs voisins pour faire perdurer le projet. En effet, la plupart des projets d’agriculture urbaine sont collaboratifs, et il peut être difficile de fédérer des habitants du quartier au long terme. Cependant, ce projet est une ferme urbaine, et il y aura un employé permanent en charge de l’entretien de la zone.  Cela a rassuré une part des habitants qui ont ainsi l’assurance que la zone agricole restera en bon état. Le partage, la collaboration nécessaire des habitants du quartier (achat en circuit-court, participation à certaines tâches) peut également rendre complexe l'implantation d'un tel projet. Ces notions ont peu à peu disparues des espaces urbains et les habitants peuvent avoir l'impression d'être dérangés dans leur quotidien. Une des étapes du clés du projet une fois que le lieu sera sélectionné sera donc l’intégration des habitants.

L’arrivée de l’agriculture en ville peut mener à la controverse par l’opposition entre l’urbain et le rural que les individus ont en tête. Certains, souvent des anciens ruraux,  ne veulent pas du retour des “nuisances” agricoles dans leur quartier urbain. D’autres émettent des réticences à consommer des denrées alimentaires produites dans le contexte pollué de la ville. Le manque de recherches quant à la pollution des sols en ville et les conséquences qu’elle peut avoir sur les denrées alimentaires peut constituer un obstacle à la mise en place de projets. Les recherches les plus récentes prouvent qu’il est possible de produire des denrées non polluées dans un contexte urbain, mais la communauté scientifique n’a pas encore établi un consensus sur ce sujet et cela participe à la controverse sur l’agriculture urbaine.

Le manque de sensibilisation des individus aux enjeux de l’agriculture urbaine peut également expliquer cette controverse. En effet, certains s’opposent aux projets car ils ne comprennent pas l’intérêt d’intégrer des parcelles agricoles dans les espaces urbains. Dans un contexte de densification urbaine, il est nécessaire de justifier la nécessité de l’agriculture urbaine à l’ensemble des acteurs pour que les projets voient le jour et soient conservés. 

La municipalité rennaise soutient les coordinateurs de projets de la ferme urbaine au Blosne, ce qui à été une des clés de la résolution du conflit avec les habitants du quartier. L’appui des élus est important pour les projets d’agriculture urbaine car il n’existe pas encore de cadre législatif ou d’obligation des villes à mettre en place de tels projets. La controverse aurait pu être plus nocive pour le projet si la municipalité n’avait pas été engagée dans un schéma d’autonomie alimentaire.

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